dimanche 10 juin 2012

Qui suis-je au travers de tes yeux ?

Qui suis-je au travers de tes yeux ?

C’est ce que je me demande chaque jour ? Qui suis-je au travers des yeux de mes enfants...
J’ai souvenir que quand j’étais petite, mes yeux seulement voyaient, mais pas mon esprit... A l’adolescence, ce fut pire ! L’idée que je me faisais de moi-même, me renvoyait une image des autres qui ne correspondait pas toujours à mes souhaits...
Ce qui m’a le plus marqué quand je suis devenue adulte, c’est d’idolâtrer mon grand père, qui pendant toute ma jeunesse m’avait fait un peu honte... Il parlait avec tous les gens qu’il croisait (oh trop la honte), il aimait rire et faire rire (pppfff la honte), radin (mais je ne savais pas à l’époque ce qu’il avait pu donner à ses enfants), sa maison était sale, mais son jardin irréprochable !  
Je ne l’ai vu qu’au travers de mes yeux d’enfants... Je l’ai découvert vers 18 ans... il est parti j’en avais 28... Ces 10 années ont été merveilleuses mais si courtes... J’ai découvert UN PERSONNAGE... J’ai découvert quelqu’un qui se moquait éperdument de ce que pouvait penser les autres de lui... il avait sa vie, ses idées, ses envies, sa façon de vivre... J’ai découvert qu’il était fier de nous, mais incapable de nous le dire, qu’il aimait venir nous voir...

Il avait du bien, (pas très riche, mais il avait du bien...) et pourtant, il se contentait de peu... moins que le minimum (ça me rendait folle !). Alors, on faisait semblant de comprendre... quand on l’invitait, on avait toujours un anniv à fêter, et on ouvrait le champagne (il adorait le champagne, mais je ne suis pas sûre qu’il en ait acheté une bouteille un jour !!!)... On achetait du steak, il adorait ça mais n’en achetait pas (ça coûte trop cher !!!)... On lui cachait ses vieilles frustres pour l’obliger à mettre les neuves (quand il pensait que les vieilles pouvaient encore servir !!!)... On le chouchoutait... et il aimait ça !

Sans jamais parler de choses profondes, il a compris très vite que nos regards avaient changé... qu’on ne le considérait plus comme « le vieux paysan » qu’il était, mais comme notre grand père tout simplement, nous avions grandi... nous n’exigions plus de le façonner à notre image, nous acceptions tout simplement QUI IL ETAIT !

Son départ a été douloureux pour moi... je n’avais pas eu assez de temps finalement... si j’avais su...

Dans son village, la tradition voulait que les gens du bourg, viennent visiter le mort dans sa maison... J’en étais malade à l’idée de voir défiler tous ses copains et copines du dimanche... Et pourtant... leurs mots m’ont émerveillé... (« Il va nous manquer »,  « qui c’est qui va nous faire rire maintenant »,  « il était tellement drôle », « toujours de bonne humeur », « sacré père Albert... »)...
Pas un n’a parlé de sa réussite sociale, de son grand sens des affaires... de sa maison mal tenue, de ses pantalons rapiécé, de ses gilets tachés... Non, ils n’ont parlé que de sa bonté, de sa bonne humeur, de sa gentillesse...
Ce soir... petit coup de cafard... et moi ? Comment mes enfants me voient aujourd’hui ? Bordélique ? Immature ? Et cette passion pour mes bestioles qui les exaspèrent tant ?


Combien de temps mettront-t-ils à comprendre que je ne changerais rien... ma vie, c’est de voir les gens heureux autour de moi, c’est d’avoir toujours mon clébard sur mes pas, c’est de prendre tous les jeunes pour mes petits, c’est de pleurer devant « le vieux fusil », c’est d'adorer Michel Serrault, et de regarder 20 fois « le bonheur est dans le près », c'est de lire et relire les BD de Florence Cestac, c’est de cuisiner et de prendre du poids, c’est de les écouter sans jamais les juger, c’est de causer à tout le monde sans en être prié, c’est de sourire à tous, c’est de retrouver une simplicité qui m’a fait défaut il y a quelques années...
Je serais toujours MOI désormais... j’ai mis trop de temps à savoir qui j’étais...
Trouvez qui vous êtes avant de juger...
Je vous aime
Maman Célestine
Juin 2012